L’ARSLA remercie Leah Stevenhagen pour son formidable message d’espoir
« J’aimerais danser encore », c’est l’espoir que porte Leah Stavenhagen, jeune franco américaine atteinte de SLA, qui publie un livre avec Sarah Gaudron qui parait cette semaine. Les auteures y décrivent mois par mois, depuis les premiers signes de la maladie en janvier 2019, l’installation insidieuse de l’atteinte motrice et ses conséquences jusqu’à la quasi perte d’autonomie en début 2022. On y rencontre un environnement familial qui apporte un soutien sans faille et un système médical, de part et d’autre de l’Atlantique, avec son dévouement ou son ignorance et son indifférence, c’est selon. En cela, en dehors du fait rare que la SLA touche ici une très jeune femme qui aime à tourner en dérision les obstacles qu’elle rencontre, c’est très malheureusement un tableau proche de celui que subissent les 1600 personnes atteintes tous les ans en France de ce mal, que les proches et les aidants soutiennent, que les médecins spécialistes et les équipes soignantes dédiées tentent d’accompagner, sur quoi les associations et collectifs de patients tentent de sensibiliser l’opinion comme le pouvoir politique et d’apporter leur aide, et sur quoi des centaines de scientifiques à travers le monde dans leur laboratoire tentent d’apporter solutions en cherchant à comprendre et à disséquer les mécanismes cellulaires qui dysfonctionnent et tenter de trouver le ou les traitements qui permettraient au moins de stopper l’évolution.
Deux éléments dominent le récit de Leah.
Tout d’abord une personnalité faite d’un optimisme sans faille et d’un refus de se laisser enfermer alors qu’elle croque la vie à pleines dents, en célèbre tous les instants avec son entourage d’où ressort un message de force, de courage et d’énergie « surtout ne pas rester isolée » qui ne peut que remuer aussi bien les malades de SLA qui connaissent l’épreuve que les biens portants qui ne réalisent pas ce qu’est la vie sans autonomie. Les messages qui émergent sont forts : ne pas hésiter à se renseigner sur des situations qui ne vous sont pas familières, le handicap n’est pas tabou : la société doit être inclusive, ce n’est pas parce que vous avez besoin d’aide qu’on doit vous infantiliser, être handicapé ne veut pas dire que votre vie est pauvre et qu’on doit avoir pitié de vous, ce n’est pas parce que vous ne voyez pas le handicap qu’il n’existe pas, si on vous demande de l’aide ne demandez pas pourquoi.
Ensuite, en toile de fond se dessine l’espoir que la thérapie expérimentale dont elle a pu bénéficier dans des conditions un peu obscures va enfin lui permettre de maitriser la situation.
Mais quel est ce traitement expérimental qu’a pu obtenir Leah à New York ? Pourrait-il bénéficier à d’autres ? A la lecture du livre, on comprend qu’il s’agit de « cellules souches » (en fait plus précisément de lymphocytes T régulateurs obtenus à partir de sang de cordon produites par la société Cellenkos) délivrées en plusieurs séances (8 à ce stade en injection mensuelle) par voie intra-veineuse. Mais il semble qu’au moment où Leah le reçoit, s’il existe bien des autorisations pour utiliser ce type de thérapie chez l’homme, notamment dans un essai clinique pour lutter contre le COVID, il n’existe pas vraiment d’étude encadrée pour son utilisation dans la SLA donc une méthodologie scientifique qui ne va pas sans poser ensuite interrogations quant aux résultats qu’on pourrait tenter d’en conclure. En effet l’utilisation des cellules souches est envisagée dans la SLA depuis le début des années 2000 mais jusqu’à présent n’a pas apporté de solution, peut-être que l’ambition de traiter avec des cellules souche de neurones moteurs étaient trop ambitieuse mais qu’utiliser d’autres cellules souches comme de lymphocytes pour corriger des mécanismes inflammatoires perturbés est plus réaliste. Actuellement au moins une étude est en cours (phase 2a-NCT04055623), sur le modèle de l’étude pilote de 2018 (NCT03241784) de l’équipe de Stanley Appel (The Methodist Hospital Research Institute – Houston Texas). Cet essai est conduit par le consortium NEALS au MGH à Boston. Il consiste à perfuser avec des lymphocytes T-Reg autologues (obtenus à partir de lymphocytes du malade (expansée en condition GMP par le CCTS Clinical Research Unit at The University of Texas Health Science Center at Houston) en association avec des injections d’IL2 3 fois par semaine, contre placebo, avec l’objectif d’inclure 12 malades et d’être terminé pour aout 2022. Une 2° étude sur le même principe est en préparation en Angleterre non encore déclarée sur le site ClinicalTrials.gov. Notons que s’appuyant sur les mêmes hypothèses quant au mécanisme délétère en cause dans la SLA et le même objectif de modifier la réponse immunitaire, les études Imodals et Mirocals (NCT03039673) basées sur l’utilisation de faibles doses d’IL2 ont été initiées en France et conduites avec des centres français et au Royaume Unis, les résultats devraient être connus d’ici fin de cette année.
On peut remarquer que Leah s’exprime au conditionnel (j’aimerais), sans doute garde-t-elle la lucidité de l’expérimental, mais tous nos encouragements, tous nos espoirs pour ce livre témoigne d’une nouvelle ère thérapeutique qui apporte soulagement et aide aux personnes atteintes de SLA.
Claude Desnuelle
Membre de l’Académie Nationale de Médecine
Pr. Emérite des Universités, Neurologue des Hôpitaux
Vice-président Association ARSLA
Depuis une dizaine d’année plus d’une soixantaine d’ouvrages ont été écrits par des personnes atteintes de SLA (voir une sélection sur https://portail-sla.fr/on-parle-de-la-sla/ )