Tofersen reçoit aux USA un agrément conditionnel d’utilisation pour les SLA SOD1

28 avril 2023

Communiqué ARSLA avril 2023

Tofersen (Biogen) reçoit aux USA un agrément conditionnel d’utilisation pour les SLA avec mutation du gène SOD1

Pr C Desnuelle (Vice-président ARSLA)

SLA avec mutation du gène SOD1

Un type de SLA a pour cause des mutations dans le gène de l’enzyme SOD1 (20% des cas de SLA familiales et jusqu’à 2% des formes de SLA sporadiques). Ces mutations entrainent la production d’une protéine SOD1 toxique qui s’accumule dans les neurones et forme des agrégats qui les détruisent. Les manifestations cliniques de ce type de SLA diffèrent peu des autres formes si ce n’est un âge de début plus précoce, un début plutôt aux membres inférieurs, une atteinte bulbaire rare et l’absence de trouble cognitif, le pronostic évolutif est variable avec des formes très rapides et des formes prolongées. La détection d’une mutation du gène SOD1 fait partie du bilan systématique diagnostique initial de SLA recommandé. En pratique, ces formes doivent donc être reconnues et identifiées.

Tofersen est une thérapie dite par oligonucléotide antisens, spécifiquement construite pour bloquer la production de l’ARN messager (ARNm), molécule intermédiaire de l’ADN qui guide la production de la protéine enzymatique SOD1. En cas de mutations dans le gène SOD1, la protéine produite qui dépend du gène homonyme est anormale et toxique formant des agrégats à l’intérieur des neurones causant leur destruction. L’administration intrathécale du Tofersen a pour but d’exploiter son potentiel à réduire la production de SOD1 toxique donc de réduire la progression de la maladie et d’étendre la survie.

 

Etudes cliniques du Tofersen

Suite aux résultats de l’étude VALOR Biogen (Phase 3 – NCT02623699) communiqués fin 2021 au congrès annuel de l’American Neurology Association (ANA) et dont l’ARSLA s’était fait l’écho dans un communiqué à cette époque. Ces résultats n’ont pas permis de démontrer chez les malades traités une signification statistique pour l’objectif principal jugé sur l’évolution pendant 28 semaines du score de l’échelle ALSFRS-R. Cependant, dans sa phase d’extension (étude OLE), l’étude a montré une diminution de la pente évolutive chez les patients progresseurs rapides et une apparente stabilisation pour ceux dont l’évolution est lente. Mais, cette étude a démontré sur le suivi biologique chez tous les malades traités une nette réduction de la concentration de la protéine SOD1 dans le liquide cérébrospinal (LCS), montrant que la molécule agit bien sur sa cible, et de plus une diminution de la concentration sanguine en neurofilaments légers (NfL) marqueur du ralentissement de la dégénérescence neuronale. Les objectifs secondaires mesurés sur l’évolution de la force musculaire, de la fatigue, des fonctions respiratoires et une échelle de qualité de vie montrent également une tendance favorable pour les groupes traités par Tofersen administré mensuellement à la dose de 100 mg directement dans le LCS (administration par voie intra thécale) après avoir reçu 3 doses le 1° mois. La durée totale des études VALOR+OLE s’est étendue jusqu’à 7 ans pour les malades inclus les plus précocement (la fin de l’étude d’extension pour tous les malades se situera en juin 2024). Bien que l’avis des membres du Peripheral and Central Nervous System Drug Advisory Committee de la FDA aient été partagé pour reconnaitre que les résultats apportaient une preuve substantielle de l’efficacité du produit chez les personnes attentes d’une SLA avec mutation SOD bien que pointant que chez les malades initialement assignés au placebo puis recevant Tofersen dans la phase d’extension sur 1 an, le déclin du score ALSFRS-R ait été ralenti (6 points versus 9). Mais, bien que les objectifs de l’étude ne soient pas atteints, c’est essentiellement la prise en considération de la baisse du taux des NfL qui a fait que le Comité a donné agrément conditionnel à la commercialisation du Tofersen sous le nom de Qalsody.

Cette décision est à souligner car marque d’une part qu’une inflexion du cours inexorable de la maladie peut être un argument preuve d’efficacité, mais surtout d’autre part que la baisse significative du taux d’un biomarqueur évolutif peut être reconnue et valide l’utilisation du suivi de ce biomarqueur NfL dans les essais thérapeutiques dans la SLA.

 

Situation en Europe et en France

Actuellement Biogen conduit une étude phase 3, ATLAS (NCT04856982), qui recrute dans plusieurs pays dont la France des sujets porteurs de mutations SOD1, détectés dans les familles des personnes malades diagnostiquées. Les sujets recrutés ne présentent aucun symptôme de SLA, mais un taux élevé de NfL a été détecté. L’objectif est de recruter 150 sujets sur 30 sites. Lorsque le taux de NfL dépasse un seuil fixé ou si des manifestations cliniques de SLA apparaissent le traitement par Tofersen est initié selon les mêmes conditions que dans l’étude VALOR. Le suivi est prévu sur 2 ans et le but de l’étude est de savoir si la mise en route du traitement de façon la plus précoce possible peut prévenir la survenu d’une SLA dans ces formes particulières. Les résultats sont espérés pour 2026.

Parallèlement, une application pour une autorisation conditionnelle en Europe a été déposé auprès du Committee for Medicinal Products for Human Use (CHMP) de l’Agence Européenne du Médicament (EMA). La décision devrait être connue dans les mois qui viennent.

Enfin, en France, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM), après avoir rendu initialement un avis négatif, a finalement autorisé l’ouverture d’une procédure d’accès compassionnel pour le Tofersen depuis environ 1 an, après que les experts médicaux de la SLA et l’ARSLA aient fait valoir les arguments qui ont été retenus par la FDA à savoir essentiellement la baisse du taux de NfL chez les sujets traités. Cela veut dire que suivant une procédure spécifique de demande d’utilisation sur la plateforme de l’Agence par un médecin habilité et sous réserve qu’un collège d’experts médecins et biologistes (RCP moléculaire) aient validé la présence d’une mutation d’un gène SOD comme à l’origine de la SLA, la molécule Tofersen est disponible et délivrable selon le schéma validé par l’étude VALOR dans un centre capable du suivi et de la mise en œuvre des techniques d’administration.

Notons que 4 gènes, parmi la trentaine connue comme pouvant être à l’origine de la SLA, sont les plus souvent retrouvés quand ce mécanisme génétique causal est reconnu, c’est-à-dire dans environ 15% des cas de SLA. Actuellement des études cliniques testent des molécules capables d’en ralentir l’évolution. D’autres molécules visant d’autres mécanismes en cause son aussi testées. Pour certaines des demandes d’autorisation de mise à disposition conditionnelles sont aussi en cours.