L’ARSLA a été auditionnée le 26 avril dernier par l’Assemblée nationale au sujet du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. L’association a proposé aux députés 10 amendements pour protéger les personnes concernées et faire respecter l’ensemble de leurs droits dans le processus.
Voici la retranscription de l’audition de l’ARSLA : |
Propos liminaires relatant l’audition du 26 avril
Je vous remercie d’entendre la voix des personnes atteintes de la maladie de Charcot.
Ces derniers mois, chaque débat ou reportage concernant la loi sur l’aide active à mourir était illustré par le témoignage d’une personne touchée par la maladie de Charcot.
Ironiquement, nous n’avons jamais autant été contactés par les médias que durant cette période. Nous aurions pu penser que ces sollicitations permettraient au grand public de s’intéresser à notre combat, de se sentir concerné par ce que les personnes malades vivent réellement. Et bien non ! La seule chose qui importait, ou importe car je ne suis même pas sûre que ce ballet médiatique ne va pas reprendre, c’était d’illustrer la volonté de mourir.
Et pour le grand public, pour les journalistes, et même pour certains politiques, qui de mieux qu’une personne touchée par la SLA, maladie de Charcot, pour parler et témoigner de son envie de mourir. Dans la pensée collective, qui accepterait de vivre dès qu’il sait qu’il a cette maladie, car il va de toute façon mourir dans les 3 à 4 ans en moyenne, qu’il va se dégrader physiquement assez rapidement et finir par perdre l’usage de ses jambes, de ses bras, de sa parole et de sa capacité à se nourrir. Son corps va se figer progressivement puis l’enfermer dans un monde sans mouvement physique possible.
A la question qui aurait envie de vivre cela ? Bien évidemment, nous répondons en chœur personne ! Mais à la question qui accepterait de vivre cela ? la réponse est tout autre. D’après une enquête que nous avons menée il y a déjà deux ans, il en ressort deux notions fortes qui ne sont pas du tout contradictoires si on prend le temps de les analyser :
- A 89%, les personnes malades veulent avoir le droit, et je dis bien le droit, d’évaluer leurs propres souffrances et les limites qu’elles se posent quant à l’effraction de leur corps. C’est-à-dire, qu’elles veulent pouvoir dire : je n’irai pas au-delà de ce stade dans la perte de fonctions, dans le combat que je mène, je vous demande de m’aider à partir dans des conditions dignes.
- Et tout en disant cela, le quasi -même pourcentage exprimait sont envie de vivre, le besoin de leur donner les moyens de combattre cette maladie. Le combat se passe certes par l’accès à des traitements innovants, mais aussi à une bonne prise en charge par des professionnels de soins formés, par des accueils en établissements quand cela est nécessaire, et aussi par l’assurance, que quand le moment viendra, ils seront tout d’abord entendus, et qu’on leur épargnera un départ dans d’atroces souffrances, annoncées par la maladie, à savoir l’étouffement.
Donc cette loi, qui nous réunit aujourd’hui, et qui réveille en nous nos croyances, nos conceptions de la vie, de la mort, de ce que l’on croit bon pour l’autre, mais aussi finalement, nos propres projections, est essentielle.
Même si nous n’approuvons pas certains points de cette proposition de loi qui nous paraissent fondamentaux pour assurer un cadre respectant la personne en souffrance, et même si elle nous semble passer à côté de la question essentielle, qui est le droit à une vie digne pour faire de la mort un choix et non une résignation ou un choix par dépit, nous pensons que cela reste une grande avancée que de l’amener dans le débat public.
Qui dit loi, dit donc obligation de définir des droits. Nous comprenons et sommes d’accord qu’il n’est pas possible de parler de droit à mourir. Ce n’est pas un droit et cela ne doit pas le devenir.
Par contre, ne pas mentionner le droit des personnes malades à demander l’examen de son dossier de demande d’aide active à mourir, c’est donner la toute-puissance au corps médical de décider pour la personne malade des limites qu’elle se fixe, c’est lui donner le droit de choisir pour elle.
Nous aimerions donc nous assurer que lorsqu’une personne malade souhaite demander à bénéficier de l’aide active à mourir, qu’elle soit entendue et qu’elle obtienne le droit d’une étude de son dossier par des médecins compétents et experts de la pathologie, et qu’elle ne soit pas à la merci du jugement de son médecin traitant qui pourrait le lui refuser.
Cette notion de droit devrait, selon nous, figurer dans cette proposition de loi, pour que les études de dossiers ne soient pas médecins-dépendants. C’est là, une notion qui peut paraitre tatillonne mais qui est essentielle si l’on veut que l’esprit de la loi soit bien celui du respect des limites de l’acceptation des souffrances réfractaires, physiques et psychologiques.
Une des évolutions majeures entre la loi Claeys Leonetti et cette proposition de loi est la notion de moyen terme.
Après notre rencontre avec Mme la Ministre Catherine Vautrin, il y a deux semaines, nous avons compris que le moyen terme correspondait à un délai de 6 à 12 mois.
Si je dois m’en référer à la maladie de Charcot, sauf dans certains cas évidents de personnes ayant recours à des suppléances vitales, aucun neurologue ne peut prédire avec assurance que la personne va mourir dans les 6 à 12 mois. Cette maladie surprend et ne laisse pas la place aux spéculations. Certes, certaines personnes malades sont affectées par des SLA à progression rapide vs à progression lente. Mais la prédiction de la date de décès naturelle, s’il n’y pas de suppléance vitale en place, n’est pas possible, même à 6 mois près.
Nous vous alertons donc sur cette notion de moyen terme qui ne nous parait pas adapté.
Nous avons également noté que l’accord d’un droit à mourir serait frappé d’une date de péremption. Dans les propos tenus par Emmanuel Macron, cette « autorisation à mourir » aurait une validité de trois mois. Cela sous-entend, que passé ce délai, il faudrait que la personne malade renouvèle les démarches car son autorisation deviendrait caduque dans le cas où elle n’aurait pas anticipé suffisamment en amont son départ. Or les personnes atteintes de la maladie de Charcot, maladie incurable et qui les condamne en un nombre d’années restreint, aimeraient jouir de cette autorisation en anticipation, pour, le moment venu, choisir de leur départ. Pour les personnes atteintes de la maladie de Charcot, le droit de l’aide active à mourir est plutôt un droit d’anticipation, une demande qui permet d’amoindrir l’anxiété d’une fin prédite comme épouvantable, car par étouffement. Il faudrait donc pouvoir assurer une traçabilité de cette demande, et simplement laisser à la personne malade le choix du moment. Lever cette anxiété permet justement de prolonger la vie de la personne malade, car elle sait qu’elle sera entendue le moment venu, qu’elle n’aura pas à se lancer dans des démarches quelles qu’elles soient, non, elle aura juste à jouir de son droit qui lui a été octroyé, même au-delà du délai des 3 mois.
Une autre des conditions est le discernement plein et entier. Dans plus de 50% des cas, les personnes atteintes de SLA ont ce que l’on appelle une altération des fonctions cognitives. Et 20% sont touchées par une DFT, plus ou moins graves, une démence fronto temporale.
Pour évaluer ces altérations, le neurologue se base sur une échelle spécifique, l’échelle ECAS : différents paramètres sont évalués comme le comportement et la mémorisation… et bien d’autres.
Mais l’anxiété et l’âge ont un impact sur la labilité émotionnelle (le contrôle de ses émotions) et donc faussent les résultats de l’évaluation obtenue par l’échelle ECAS.
Tous ces mécanismes de défenses naturelles face à la maladie perturbent l’échelle ECAS d’absolument toutes les personnes atteintes de SLA.
La question qui va se poser, pour les personnes atteintes de maladie de Charcot, est quel est le curseur sur l’échelle ECAS qui permettra d’affirmer ou d’infirmer qu’elle jouit de son discernement plein et entier. Là encore, nous tombons dans une évaluation qui va dépendre de la subjectivité du médecin, alors que tous, ici présent, nous tombons d’accord sur le fait qu’une personne atteinte de la maladie de Charcot devrait naturellement pouvoir bénéficier de cette loi, en nous appuyant seulement sur ce qu’est la maladie intrinsèquement et ce qu’elle entraine.
Cette simple condition, qui parait bégnine, pourra être utilisée par le corps médical, pour exclure les personnes atteintes de SLA du champ de cette loi.
Une particularité de la loi de l’aide active à mourir à la française est la possibilité de s’auto administrer la substance létale ou de solliciter une personne de confiance. Par définition, il est peu probable qu’une personne atteinte de maladie de Charcot puisse prendre par elle-même cette substance. Il nous parait insupportable que la personne de confiance, un proche pour ne pas le nommer, soit impliqué dans ce geste ultime. L’arrivée de la maladie dans la cellule familiale entraine déjà de gros bouleversements, qui laissent des marques pendant la maladie et après le départ de la personne malade. Il ne faudrait pas que le proche ait en plus ce poids moral à porter. Il nous parait fondamental que ce geste soit systématiquement accompagné par des professionnels de santé. Et en pratique, pour anecdote, même lorsqu’il a été décidé avec le corps médical, que la personne mourra paisiblement à la maison, sans appeler les secours, juste dans le cadre familial, arrivés les derniers moments et les difficultés respiratoires plus intenses, les familles finissent par appeler un recours médical.
Ce dernier point nous permet une transition pour saluer l’importance des unités de soins palliatifs, et des fonds supplémentaires qui leur sont aujourd’hui alloués. Nous regrettons cependant que les personnes atteintes de maladies de Charcot ne soient pas plus souvent prises en charge par ces unités. Dans la pratique, une personne atteinte de SLA, maladie de Charcot, ne bénéficie quasi pas de cet accompagnement, comme elle ne bénéficie pas non plus d’une prise en charge dans des établissements. Elles ont un handicap lourd, nécessitent beaucoup d’heures humaines en soin, de connaissance d’une pathologie qui effraie les personnels soignants, et qui exclue donc très souvent les personnes malades d’un système de santé qui pourrait pourtant tant leur apporter.
Donc la formation est essentielle, mais aussi le renforcement de ces unités pour, je l’espère, leur permettre d’inclure dans leur exercice, les patients atteints de la maladie de Charcot.
Enfin, je tiens à vous remercier pour l’attention que vous portez à notre pathologie bien particulière. Le choix des mots est essentiel et déterminera l’orientation de la loi. Il permettra ou non d’inclure les personnes atteintes de la maladie de Charcot, de prendre en compte leur souffrance physique et moral.
Comme l’a dit M le président François Hollande « on a trop souvent évoqué la maladie de Charcot pour parler de la fin. Et bien non, il faut parler de début ». Et le début pour une personne atteinte de la maladie de Charcot, le début pour mener son combat armé contre cette terrible maladie, c’est d’avoir l’assurance qu’elle pourra choisir la fin si son combat devenait insupportable selon son propre ressenti. J’espère donc, qu’après toutes les auditions que vous avez entendues, les modifications que vous apporterez à la proposition de la loi d’aide active à mourir contribuera à ce DEBUT.
- 10 propositions d’amendements
1.Pour un droit d’accès aux soins d’accompagnement
Art 1, alinéa 4 :
Remplacer le mot « offrir » par « l’équipe de soins devra proposer systématiquement une prise en charge globale de la personne malade »
Exposé des motifs :
Nous parlons ici bien de droit et non de possibilités. Il est important que les soins d’accompagnement deviennent des droits pour les personnes malades, éclairés par la connaissance de leur droit, et non une proposition qui leur est faite selon le jugement utile et nécessaire par l’équipe de soin. D’autant plus qu’il est bien spécifié dans les articles suivants que les soins d’accompagnement se mettraient en place dès l’annonce du diagnostic. Ce droit est très important et ne doit pas dépendre d’une autre décision que celle de la personne malade d’en bénéficier, quelle que soit sa maladie, et quel que soit le degré de handicap engendré par la maladie.
En effet, les soins palliatifs, dans la pratique, ont quasi exclusivement bénéficié aux personnes souffrant de cancer. Il ne faudrait pas reproduire les mêmes biais, et utiliser la notion de droit pour la personne malade, replace le contexte et le protège d’éventuels refus ou de non-proposition par omission. Cette modification permettrait d’être en cohérence avec le Titre 1er qui spécifie que les articles de cette section sont consacrés aux soins d’accompagnement et aux droits des personnes malades.
2.La rencontre du plan personnalisé d’accompagnement et du projet de vie
Art 3, alinéa 2 :
Ajouter à la définition du plan personnalisé d’accompagnement, « Ce plan est élaboré à partir des besoins et des préférences du patient et évolue avec ceux-ci ». « Il sera élaboré et formalisé dans le même document que le projet de vie ».
Exposé des motifs :
Il nous parait essentiel de rattacher le plan personnalisé d’accompagnement au plan de projet de vie prévu par la loi n°2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. En formalisant son projet de vie, la personne malade se voit garantir, dans l’esprit de la loi plus que dans la réalité, la mise en place de la compensation des conséquences de son handicap pour pouvoir non seulement vivre dignement mais aussi avoir le libre choix de sa façon de vivre et des activités qu’elle souhaite continuer à mener malgré la maladie.
Le plan personnalisé d’accompagnement, à élaborer dès l’annonce du diagnostic, ne doit pas effacer ce 1er droit durement acquis et très peu mis en place quand on parle de maladies graves et incurables. Or le projet de vie doit rester au cœur de l’accompagnement et est le reflet des besoins de la personne pour pouvoir se projeter autant dans la vie active que dans une démarche d’accompagnement en fin de vie.
Ces deux plans sont donc parfaitement complémentaires et il est essentiel de les formaliser dans un même document. La tentation serait trop grande de ne plus considérer l’accès au projet de vie à l’annonce d’un diagnostic tel que celui de la maladie de Charcot.
3.L’aide médicale à mourir est un continuum du soin
Art 5, alinéa 1 :
Remplacer « l’aide à mourir » par « l’aide médicale à mourir ».
Exposé des motifs :
L’aide à mourir bénéficie d’un accompagnement de professionnels de santé, tout au long du processus : de l’évaluation du dossier à l’administration, même si elle est assurée par une tierce personne ou la personne malade elle-même. Le corps médical doit être systématiquement présent pour éviter et prévenir tout incident physique et psychologique. De plus, cet acte étant pris en charge par la sécurité sociale s’inscrit donc dans le champ du sanitaire.
Introduire le terme médical permet de garantir l’implication des professionnels de santé et de poser des limites dans les conditions d’administrations.
4.La traçabilité de l’aide médicale à mourir
Art 5, alinéa 1 :
Après « en a exprimé la demande » ajouter « dans la formalisation de ses directives anticipées ».
Exposé des motifs :
Nous pensons qu’il est important d’assurer une traçabilité de la demande d’aide active à mourir et ce, peu importe si elle a été formulée et acceptée dans un délai défini dans les articles suivant de 3 mois. Dans la maladie de Charcot, l’angoisse d’une mort par étouffement augmente l’anxiété des personnes malades et nuit fortement à leur qualité de vie. Le fait de savoir très tôt qu’elles pourront librement choisir le moment de leur départ permet de rassurer tout d’abord et surtout de repousser les limites d’acceptation du handicap qu’elles s’étaient fixées au départ (surtout si le projet de vie offre à la personne malade une réelle adaptation de sa vie en fonction du handicap subi et évolutif imposé par la maladie). Il n’est pas envisageable d’attendre les instants les plus durs, ceux où la personne est au maximum de sa souffrance physique et/ou psychique pour se lancer dans des démarches purement administratives d’évaluation de son droit d’accès à l’aide active à mourir. Il faut certes évaluer des critères bien définis, fixer des gardes fous pour accéder à cette aide active, mais une fois les conditions remplies, il faut bénéficier d’une traçabilité du positionnement du corps médical à l’étude du dossier du patient, et lui garantir que cette évaluation soit pérenne. Dans le cadre de l’aide active à mourir, une des conditions est la maladie grave et incurable. Du moment que l’on remplit cette condition, il est dit par définition que la situation de la personne ne va qu’en s’aggravant. Donc il n’y a aucune raison d’évaluer à nouveau sa demande.
Enfin les directives anticipées paraissent le seul document adapté à notifier cet accord obtenu après l’étude du dossier médical. Dans l’article R1111-18 du code de la santé publique, alinéa 2 a, il est rappelé que les directives anticipées expriment « dans le cas où la personne est en fin de vie ou se sait atteinte d’une affection grave », « sa volonté concernant son éventuelle situation future ».
5.La protection de la personne volontaire
Art 5, alinéa 1 :
Modifier « qu’elle se l’administre » par « qui soit administrée selon le choix de la personne malade, c’est-à-dire par elle-même, par une personne volontaire ayant signé un consentement éclairé ou par un professionnel de santé dûment formé ».
Exposé des motifs :
Plusieurs notions sont soulevées dans cette proposition de changement de texte et les mots choisis nous semblent essentiels. Il n’est pas possible de demander à la personne malade de choisir l’auto-administration si sa capacité physique est évaluée en ce sens. C’est omettre la douleur psychique et l’impact d’un tel geste pour une personne déjà en souffrance, car ayant demandé l’arrêt de sa vie. Même si dans la maladie de Charcot la possibilité de l’auto-administration sera bien souvent balayée du fait du handicap engendré par la maladie, il nous semble cependant que cette mesure est d’une violence extrême.
Si la décision familiale est que ce geste se fasse par une personne volontaire, et nous lisons dans ces lignes un proche de la personne malade, plusieurs conditions nous semblent essentielles : la signature d’un consentement éclairé -c’est-à-dire que le personnel formé de santé explique en détail les risques psychologiques engendrés avant-pendant et après l’acte, et que la personne volontaire bénéficie d’un accompagnement psychologique les mois suivants l’acte.
Enfin, au même titre qu’il est important de protéger les personnes malades et leur proche, il nous parait indispensable d’assurer l’équilibre psychologique des professionnels de santé volontaires pour effectuer ce geste, tant par la formation que par le suivi et l’accompagnement psychologique imposé.
6.Ne pas laisser un nouveau vide interprétatif
Art 6, 3° :
Remplacer « engageant son pronostic vital à court ou moyen terme » par « lorsque son pronostic vital est impacté de manière irrémédiable ».
Exposé des motifs :
Garder la notion d’une évaluation de durée, court ou moyen terme, nous parait nous replonger dans le vide interprétatif majeur présent dans la loi Claeys Léonetti. S’il en venait à conserver la notion de moyen terme, et que l’HAS en donne une définition approximative de 6 à 12 mois comme on a pu le comprendre, ou pire que cette notion soit laissée à la subjectivité de chaque professionnel de santé, cela exclurait quasi systématiquement les personnes atteintes de la maladie de Charcot. Car il n’existe pas, à l’heure actuelle, de pronostic fiable quant à l’évolution de la maladie, qui est tout sauf linéaire. Certes, lorsqu’il y a eu une mise en place de suppléances vitales, il est aisé de parler de moyen terme à l’arrêt de ces dernières. Mais dans le cas où la personne n’a pas encore cette mise en place, aucun neurologue n’aura la capacité de prédire une quelconque espérance de vie. Il y a autant de formes différentes de SLA que de personnes malades.
Les personnes atteintes de la maladie de Charcot ont été mis au cœur des débats sur la fin de vie par les médias mais aussi par les politiques. Dans le conformisme collectif à l’évocation du mot Charcot, seule la fin de vie parait une solution, sans même évoquer la vie. Il serait alors le comble de leur voir opposer un refus à cette aide active à mourir sous prétexte qu’elles ne remplissent pas le critère « moyen terme », que personne n’a la capacité de définir d’ailleurs avec exactitude.
Nous insistons par ce changement sur l’importance, pour les personnes atteintes de SLA, de leur accorder le libre choix de l’aide active à mourir, au moment de leur choix, selon l’évaluation de leurs propres souffrances et l’acceptation de leur limite quant à l’effraction de leur corp.
7.Le discernement, un protocole d’évaluation précis à définir
Art 6, 5° :
Ajouter à « de façon libre et éclairée », « au moment de la formalisation des directives anticipées détaillées ».
Exposé des motifs :
« Libre et éclairée » repris dans l’art 8, alinéa 2, entraine la notion de discernement au moment du choix de l’aide active à mourir.
Une question essentielle se pose dans le cas de la maladie de Charcot : la pathologie entraine dans 50% des cas, une altération des fonctions cognitives. Attention, on ne parle pas là de démence, qui arrive dans seulement moins de 20% des cas de SLA, les SLA-DFT (démence fronto temporale).
Une échelle d’évaluation spécifique à la SLA existe pour évaluer les altérations, qui peuvent être d’ordre de la désinhibition comportementale, d’une perte d’empathie, d’une maitrise difficile des émotions… Il s’agit de l’échelle ECAS. Or l’anxiété ou la dépression provoquées par la situation de dépendance dans laquelle se trouve la personne malade, donc hors symptomatologie directe de la pathologie, dégradent également les résultats obtenus par cette échelle. Alors comment évaluer dans cette complexité spécifique à la maladie de Charcot ce qu’est le discernement libre et éclairé avec certitude ?
Nous demandons soit qu’un curseur soit déterminé par l’HAS sur l’échelle ECAS, ou alors, pour entrer dans le cas général, qu’un protocole d’évaluation du discernement libre et éclairé soit clairement défini dans la loi pour ne pas laisser libre interprétation au corps médical, qui pourrait également être en souffrance devant ce manque de précision. De plus, nous demandons que l’accord de l’aide active à mourir soit accordé et formulé dans les directives anticipées, et acquis, quelles que soient les évolutions de la pathologie et ses conséquences dans le temps.
8.Un droit réel et affirmé que de demander l’étude de son dossier
Art 7, I :
Remplacer « la personne qui souhaite accéder à l’aide à mourir en fait la demande » par « la personne qui souhaite accéder à l’aide médicale à mourir a le droit de demander l’étude de sa situation par un médecin en activité ».
Exposé des motifs :
L’article 7 précise les conditions de présentation d’une demande d’aide à mourir. La personne malade qui souhaite accéder à l’aide à mourir doit d’abord en faire la demande à un médecin. Le médecin qui accepte d’examiner cette demande, doit informer la personne sur son état de santé, les perspectives de son évolution, les traitements et les dispositifs d’accompagnement disponibles. Il manque une notion qui nous parait fondamentale : si nous nous accordons sur le fait que l’aide active à mourir ne peut pas être un droit pour les personnes malades, il est essentiel que la demande d’examen du dossier le soit. En effet, ne pas stipuler cela comme un droit donne la toute puissance au corps médical et au risque de la négation de souffrances psychologiques réfractaires devant l’avancée et l’impact de la maladie.
9.Ne pas imposer de date de péremption
Art 8 IV :
Suppression de l’alinéa 2 sur le délai de trois mois
Exposé des motifs :
Il n’est pas pensable que l’acceptation de l’aide active à mourir soit sous le sceau d’un délai de péremption. Cette démarche est déjà difficile à mettre en place et demande un grand courage psychologique. Il serait inhumain de demander aux personnes malades de le réitérer sous prétexte qu’elles ne sont pas mortes dans les temps imposés. Même si la réévaluation du dossier serait plus rapide que lors du 1er dépôt, il faut pouvoir prendre soin des personnes malades et de leur proche dans cette démarche lourde de sens. Et leur épargner des modalités administratives à l’aube de leur départ. C’est pourquoi nous demandons une traçabilité de cette autorisation et qu’elle soit acquise sans condition de temporalité.
10.Assurer la sécurité de la cellule familiale
Art 11, III, alinéa 2° :
Suppression de « lorsqu’il n’administre pas la substance létale, la présence du professionnel de santé n’est pas obligatoire ».
Exposé des motifs :
Afin d’informer et de recueillir le consentement libre et éclairé de la personne de confiance, en charge de ce geste, est afin de l’accompagner, il nous parait indispensable d’assurer la présence d’un professionnel de santé. De même, si l’administration de la substance létale ne se passait pas bien, il est important qu’un professionnel de santé aguerri se trouve au chevet de la personne malade pour lui prodiguer les soins nécessaires, et aussi pour aider les proches qui pourraient vivre une situation traumatique. Il faut préserver la cellule familiale et l’accompagner dans ce dernier soin qu’est l’aide médicale à mourir.