Depuis la fin de la convention citoyenne, nous attendions un message fort de la part d’Emmanuel Macron. A plusieurs reprises, nous avions échangé avec Madame Agnès Firmin Le Bodo, alors ministre déléguée chargée des Profession de santé, laquelle nous soutenait dans nos interpellations. Aussi l’annonce du 10 mars, parue dans la Croix et Libération, par le président de la République, nous encourage à penser qu’il s’agit d’une belle avancée qui va dans le sens souhaité.
Néanmoins, nous devons rester vigilants sur plusieurs points :
- Dans le cas de la maladie de Charcot, le droit à mourir ne doit pas effacer celui de vivre.
La dérive pourrait, en effet, être facile de condamner tout patient atteint de SLA.
Il faut absolument, et en priorité, renforcer l’accompagnement des personnes malades et mieux financer l’hôpital public, l’assurance-maladie et les soins palliatifs. Les aides humaines sont insuffisantes et les aides techniques, trop onéreuses ; les accès aux traitements innovants sont souvent impossibles avant de longues phases de tests, sans parler du manque de moyens accordés à la recherche, et la liste est encore longue… Autant de facteurs qui entraînent les personnes malades vers la fin de vie, bien avant que la maladie ne s’en charge elle-même.
- De « court terme » à « moyen terme », une frontière ténue
Auparavant, lorsqu’une personne atteinte de SLA demandait une sédation profonde, elle lui était souvent refusée, la notion de court terme, présente dans la loi Claeys-Leonetti, lui étant opposée. Il nous paraît donc indispensable de bien définir cette notion de moyen terme, et de s’assurer que seule la personne malade peut évaluer ses propres souffrances et l’acceptation de ses limites quant à l’effraction de son corps. Ainsi ne faudrait-il pas juste mentionner la notion de « maladie incurable » ?
- Un discernement plein et entier
Une des conditions évoquées par Emmanuel Macron pour avoir recours à l’aide à mourir est le discernement plein et entier de la personne malade. Dans certaines formes de SLA, les patients souffrent d’une atteinte cognitive associée (SLA-DFT), 20% sont concernés. Aussi cela signifierait-il qu’ils seront exclus de cet accès au droit à la fin de vie ? Ne serait-il pas possible, pour les personnes atteintes de maladies incurables avec une dégénérescence cognitive associée d’indiquer leur souhait lorsqu’ils gardent encore une forme de lucidité ? Les directives anticipées ne pourraient-elles pas inclure ce périmètre supplémentaire et assurer ainsi à la personne le respect de son choix le moment venu ?
- De la fin de vie au geste ultime
Le chef de l’État a précisé que la substance létale serait directement prescrite à la personne malade, laquelle pourrait se l’administrer elle-même ou par le biais d’une personne de confiance ou dans le cadre d’un accompagnement médical. Toutefois, il ne faudrait pas que cela devienne une responsabilité supplémentaire qui incombe à l’aidant si l’assistance du professionnel de santé venait à faire défaut. Nous n’avons pas le droit de laisser les patients et leurs proches traverser seuls ce moment.
- Un droit à mourir frappé d’une date de péremption
Dans les propos tenus par Emmanuel Macron, cette « autorisation à mourir » aurait une validité de trois mois. Cela sous-entend, que passé ce délai, il lui faudrait renouveler les démarches car son autorisation deviendrait caduque dans le cas où elle n’aurait pas anticipé suffisamment en amont son départ. Or les personnes atteintes de la maladie de Charcot, maladie incurable et qui les condamne à moyen terme, aimeraient jouir de cette autorisation en anticipation, pour, le moment venu, choisir de leur départ.
- Des moyens financiers incompressibles
Les maisons d’accompagnement, ce « chaînon manquant » soulevé par Emmanuel Macron, sont essentielles et nécessitent donc des moyens financiers à la hauteur de l’engagement, tout comme l’accès aux soins palliatifs pour permettre un accompagnement des personnes malades dans la vie.
- Les personnes atteintes de la maladie de Charcot veulent avant tout vivre dans la dignité
Savoir que l’on peut choisir le moment de son départ rassure et permet d’amoindrir l’angoisse d’une mort dans d’atroces souffrances. Paradoxalement, cela donne l’énergie de vivre au-delà des limites qu’on s’était fixées.
Depuis l’annonce du 10 mars, les médias sont nombreux à mettre en avant les témoignages de personnes malades autour du projet de loi sur l’aide active à mourir. La plupart, si ce n’est la totalité, donnent la parole à des personnes atteintes de la SLA. Si l’ARSLA – unique association française reconnue d’utilité publique qui soutient aussi bien les malades, les familles que la recherche – se réjouit d’une telle mise en lumière, elle regrette néanmoins que cela se cantonne à cette question sociétale.
En effet, ces personnes ont aussi besoin de vous, les médias, et ce, tout au long de l’année, pour parler de leur quotidien, de leurs difficultés, notamment celles d’accéder aux traitements et/ou à des aides techniques, mais aussi pour faire connaître le sort des aidants, qui, chaque jour, œuvrent en silence. Enfin, l’ARSLA a besoin de vos relais pour médiatiser la maladie, toujours considérée comme rare, alors que, tous les jours, en France, cinq diagnostics sont posés.