Tribune de l’ARSLA – Le Monde du 1er juin 2023

« Parce que le combat contre la maladie de Charcot est infernal, nous demandons un engagement politique fort et des actions d’envergure »

 

La prise en charge actuelle des personnes atteintes de cette maladie neurodégénérative incurable est encore loin de répondre à leurs besoins, estime Valérie Goutines Caramel, présidente de l’Association pour la recherche sur la sclérose latérale amyotrophique, dans une tribune au « Monde ».

 

Alors que la maladie de Charcot fait l’actualité avec la sortie du film Invincible été, réalisé par Stéphanie Pillonca, l’Association pour la recherche sur la SLA (sclérose latérale amyotrophique, communément appelée maladie de Charcot) (Arsla) lance une nouvelle campagne nationale de sensibilisation : « Eclats de juin, un mois pour défier la SLA ».

 

Cette campagne a non seulement pour objectif de faire connaître la maladie de Charcot et de collecter des fonds pour la recherche, mais aussi de mettre en lumière la volonté des personnes malades de mener le combat contre la maladie – et cela malgré des politiques de santé publique peu favorables.

 

La SLA, maladie neurodégénérative incurable rapidement évolutive, conduit à un handicap sévère et à une dépendance totale : le malade ne peut plus se nourrir, parler, respirer. Son espérance de vie est alors estimée entre trois et cinq ans. Maladie rare (neuf mille cas en France), l’incidence de la SLA est pourtant équivalente à celle de la maladie de Parkinson, et supérieure à celle de la sclérose en plaques.

 

Parce que le combat contre la maladie est infernal, l’ARSLA demande un engagement politique fort avec des actions d’envergure afin de répondre aux besoins vitaux et prioritaires des personnes atteintes de la SLA. Nous exhortons l’État à agir sur quatre enjeux clés :

 

  • l’accélération du diagnostic pour mettre fin à l’errance des patients
  • l’amélioration de la compensation du handicap
  • le renforcement de la coordination du parcours de soin
  • l’amélioration de l’évaluation et du financement des nouvelles thérapeutiques.

 

Aujourd’hui, un patient doit attendre environ dix mois avant que ne soit posé un diagnostic. Combattre cette errance permettrait de diminuer l’anxiété des malades, de débuter au plus vite une prise en charge adaptée et d’augmenter les chances de survie de quelques mois, en mettant en place rapidement une organisation adaptée à l’évolution de la maladie (aides sociales, humaines, matérielles et médico-sociales). Aussi, renforcer la sensibilisation et la formation initiale et continue des professionnels de santé est capital pour orienter le patient au plus vite vers les neurologues spécialisés et mieux cibler les examens médicaux.

 

À cette errance diagnostique s’ajoute un parcours du combattant administratif et financier, alors que la maladie galope. Le temps nécessaire à l’administration pour statuer sur des dossiers ne coïncide pas avec celui des malades, qui voient leur situation se dégrader inexorablement. Il est urgent de repenser le parcours de soin et d’adapter les politiques publiques aux besoins réels des patients.

 

En matière de droits, nous constatons une iniquité de traitement selon l’âge : actuellement, au-delà de 60 ans, la loi n’offre plus les mêmes droits. Le malade qui pouvait jusqu’alors bénéficier de la prestation de compensation du handicap (PCH) percevra alors l’allocation personnalisée d’autonomie (APA), bien insuffisante pour accéder aux aides humaines et techniques. L’ARSLA demande au gouvernement et aux institutions de faire preuve de souplesse dans le cas de la SLA, qui ne correspond actuellement pas aux critères imposés pour que les droits de compensation du handicap soient sans condition d’âge.

 

De plus, la personne malade aura besoin d’une trentaine d’aides techniques complexes et onéreuses, ne rentrant pas dans le champ du remboursement des aides techniques récemment annoncé lors de la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023. Or ces aides ne peuvent être considérées comme des aides de « confort ». Nous pointons le problème du reste à charge conséquent pour des personnes déjà affectées par une perte de revenus.

 

La prise en charge de la SLA met en jeu de nombreux acteurs médicaux et paramédicaux. Les centres SLA, spécialisés dans la pathologie, accompagnent les patients tout au long de leur combat dans la maladie, tant sur le plan du soin que des aspects médico-sociaux. Devant la crise sévère que traversent l’hôpital et la médecine de ville, la coordination des soins hôpital-ville n’est pas satisfaisante. L’ARSLA, dans le cadre de la mise en œuvre du quatrième plan national maladies rares, propose à la Direction générale de l’offre de soins un modèle innovant et expérimental pour la coordination des soins dans la SLA.

 

Enfin, il est essentiel de favoriser l’accès à de nouvelles thérapeutiques et d’ouvrir des programmes d’accès précoce – si un tel accès est déjà prévu par la loi, celle-ci n’est pas appliquée dans le cadre de la SLA. L’ARSLA demande de réviser les critères d’évaluation des essais cliniques et de passer à une évaluation des données en vie réelle pour accélérer l’accès aux traitements. Elle milite également pour que les malades en France puissent avoir un accès immédiat aux nouveaux traitements déjà utilisés aux États-Unis, au Canada et en Suisse.

 

La recherche sur la SLA ne progresse que depuis une vingtaine d’années. Pour répondre aux espoirs des malades, l’ARSLA demande à l’État de s’engager sur les quatre enjeux majeurs précédemment cités. Il en va du respect des personnes malades et de leurs droits fondamentaux.

 

Valérie Goutines-Caramel

Présidente de l’ARSLA